La pédagogie Freinet
Célestin Freinet s’inscrit dans le mouvement de la
pédagogie nouvelle. Les principes qui orientent son action sont le respect de
l’individualité de l’élève et le respect de la communauté ; l’individu
étant parti intégrante de la communauté et les deux formants un tout solidaire.
C’est une pédagogie de la participation et de la coopération. Elle
définit un nouveau rapport entre l’enseignant et son élève et entre les élèves
eux-mêmes et promeut un usage différent du matériel pédagogique.
L’un des principes de la pédagogie se fonde sur l’idée de
la non-dissociation de l’affectif et de l’intellectuel dans les
apprentissages, auxquels les notions de plaisir et de réussites sont
associées. Cette idée est proche de la psychologie fonctionnelle de Claparéde
qui propose l’idée que toute adaptation procède par tâtonnements et ajustements
successifs de type : « essais et erreurs ».
La méthode naturelle est complémentaire de celle du
tâtonnement expérimental. Elle suppose de la part du maître l’organisation d’un
milieu riche en outils et techniques.
Dans le champ de la pensée psychologique, l’idée de
travail a un statut de grande tendance vitale, de pulsion essentielle, un peu à
l’image de la libido sexuelle chez Freud.
Eléments historiques et biographiques :
Il avait achevé sa formation
d’instituteur lorsque la première guerre mondiale se déclencha. Participant aux
combats il y fut grièvement blessé en octobre 1917, dans les terribles combats
du Chemin des Dames et dut passer un long moment de convalescence. Il sera
reconnu mutilé de guerre à 70%.
Il s’inscrit dans la dynamique de ceux des anciens
combattants qui dénoncent la guerre et contestent l’ordre établi.
Dés 1920 – 1921 ; il écrit
dans « l’école émancipée », l’organe pédagogique de la fédération de
l’enseignement depuis 1910, lieu d’expression de la composante révolutionnaire
du jeune syndicalisme enseignant.
Ce n’est qu’en 1921, qu’il put obtenir son premier poste. Ces
blessures très sérieuses l’avaient privé d’un poumon. C’est par conséquent
d’abord par nécessité pratique qu’il chercha les moyens pour travailler avec
les élèves, sans pouvoir parler trop longtemps ou être contraint à supporter la
poussière de la craie des tableaux noirs.
Freinet était par ailleurs
imprégné des grandes idées de penseurs de « l’école nouvelle » et de
« l’école moderne » tels que Dotterns, Cousinet, Claparède et
Ferrière.
Une certitude l’animait, celle
qu’il y a en chaque enfant des ressources qui le poussent à agir et une
curiosité qui l’incite à vouloir apprendre, tendances qu’il s’agit de
réveiller. C’est l’idée qu’il faut partir de ce qu’ils savent déjà.
De 1921 à 1928 il crée diverses
techniques de travail scolaire qui marqueront son itinéraire et celui du
mouvement qui porte son nom.
Il commence par permettre aux
enfants d’exprimer leurs propres connaissances et sentiments dans des « textes
libres » qu’il utilise ensuite comme matériel de travail non seulement
pour l’écriture mais aussi pour ce qu’ils sont, c’est à dire l’expression d’une
individualité ; de la communication avec les autres et du partage de
connaissances. Pour faciliter tout cela il utilise l’imprimerie. Les textes
sont ensuite rassemblés et le « journal scolaire » est né.
Il se met à utiliser de plus en
plus le milieu environnant comme source de connaissance pour les enfants.
D’autres enseignants
s’intéressent à ce qu’il fait et des contacts s’établissent. Des échanges
s’installent entre-eux et les premières « correspondances scolaires »
voient le jour.
En 1927 le mouvement de « l’imprimerie
à l’école » tient son premier congrès.
Un peu plus tard il demande sa
mutation à Saint Paul de Vence. Il se retrouvera dans des conflits avec les
personnalités éminentes de la communauté. Ce sera l’affaire de St Paul. Les
autorités décident d’imposer un congé à Freinet pour sortir du conflit.
Il n’abandonne pas le combat pour
l’école populaire, ainsi est née l’école de Vence en 1933, construite
par Freinet et financée par sa famille et des amis. C’est un internat.
A la suite de la mise sur pied de
la CEL (coopérative d’enseignement laïc) société d’édition dont le but est de
publier le matériel nécessaire à l’école moderne, les supports pédagogiques
sont largement diffusés :
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La collection BT (bibliothèque de travail)
-
Le fichier scolaire coopératif,
-
Les fichiers de travail auto-correctifs,
-
La gerbe ( recueil de textes échangés par plusieurs classes),
-
Le matériel d’imprimerie,
-
La nouvelle revue du mouvement « l’éducateur
prolétarien » devenue depuis « l’éducateur ».
Lors de la déclaration de guerre
de 1939, Freinet devient suspect par les autorités militaires puisqu’il a des
contacts partout y compris en pays ennemis. L’éducateur prolétarien subit la
censure. En 1940, il est interné par les autorités de Vichy parce qu’il est
militant de gauche et soupçonné d’être sympathisant avec la résistance et à
laquelle il parvient à se joindre en 1944.
En automne 1945, la vie reprend à
l’école de Vence. Les activités de la CEL aussi.
(1949, film de Chanois «
l’école buissonnière » vient illustrer la naissance de la pédagogie
Freinet).
1957 Création de FIMEN (
Fédération Internationale des mouvements d’écoles modernes.
Il s’est éteint en 1966.
Les finalités
de l’approche :
En pédagogie Freinet la place de l’individu est
particulière. Celui-ci est à la fois unique et participant à un groupe. Il
possède ses intérêts propres, ses besoins particuliers. Il est riche en
potentiel mais dépendant de l’éducation pour le développer. Il fait partie
d’une société qui règne avec sa loi, mais qui tire sa richesse des individus
qui la composent et de leur diversité. C’est pourquoi ni l’un ni l’autre n’a de
primauté sur sa contrepartie. Ils sont étroitement solidaires et
interdépendants.
Outre les besoins fondamentaux de
conservation, de subsistance et de réalisation personnelle qui
caractérisent tous les individus, la pédagogie Freinet inclut dans sa
philosophie les besoins de chacun de s’exprimer, de communiquer, de
coopérer, d’apprendre et de s’organiser.
S’exprimer et
communiquer :
C’est par l’expression qu’un
individu se découvre lui-même, prend conscience de ce qu’il est et de ce qu’il
veut. Pour ce qui est de la libre expression, il faut remonter à J.B Lamarck,
ce maître auquel Freinet ne cessait de rendre des hommages.
-
Pour cela, la pédagogie propose de nombreux supports à
l’expression.
On ne s’exprime pas seulement
pour soi, mais aussi parce que l’on vit en communauté. Il faut pouvoir
communiquer. Expression et communication sont dépendantes l’une de l’autre.
-
Pour cela, la pédagogie propose des moyens de communication.
L’écriture pour elle-même, comme
la lecture pour elle-même n’ont pas de réalité significative chez nous.
L’ensemble s’appuie sur une démarche de tâtonnement expérimental.
Coopérer :
L’expression et la communication, ainsi que toutes structures
qu’on met en place pour les développer sont facilitées par une organisation
coopérative de la classe. La coopération est un choix social en ceci la
pédagogie Freinet est engagée, elle s’oppose à la compétition.
L’appartenance présente et future à une communauté sociale
et culturelle prime. L’enfant est vécu comme un sujet social.
Apprendre :
Dans toute situation naturelle
d’apprentissage, en dehors de l’école on apprend tous par l’expérience.
On essaie, on tâtonne, on
recommence plusieurs fois, on imite. Ce n’est généralement qu’une fois le
tâtonnement démarré que les enseignements théoriques ou pratiques du maître
prennent un sens pour l’élève. Un enseignement préalable n’aurait probablement
pas eu de sens. En effet, il ne prend son sens et sa portée que dans le cours
de l’expérimentation en situation réelle. Les enseignements doivent tomber en
terrain fertile, lorsqu’ils sont attendus et désirés.
En pédagogie Freinet ce processus
de tâtonnement expérimental est considéré comme universel.
Même dans une approche qui
établit rigoureusement ce qu’il faut enseigner aux enfants, chacun fait
l’apprentissage de ce qu’il veut bien, à l’heure qu’il a choisie. L’approche
traditionnelle qui met en route une série de mesures, de stimulations, de
récompenses ou de punitions méconnaît que la motivation qui met en œuvre les
forces de celui qui apprend, c’est celle de l’individu lui-même.
Individualiser
l’apprentissage :
Ce
qui distingue davantage les individus, ce sont leurs différences de
motivations, de besoins. Chacun n’aura par conséquent pas le même besoin
d’assistance du maître. A ce propos, Freinet a crée une pratique et des outils
qui rendent possible cette individualisation. Selon lui, dans une classe où
l’enseignement est collectif, les « rapides » sont freinés et les
« lents » sont remorqués ou bousculés.
Pour
ce qui est de concilier l’idée des programmes scolaires avec une telle
conception de l’apprentissage, il dit que le programme est l’affaire du maître
et pas des enfants.
Organiser
la vie dans la classe, c’est aménager le temps et les ressources en fonction
des projets de recherche de connaissances et de développements d’habiletés que
les enfants apportent. D’autre part, le maître étant un individu qui fait
partie du groupe, de l’ensemble classe, rien ne l’empêche lui aussi d’apporter
sa contribution aux présentations, d’enrichir le groupe de savoirs qu’il a ou
des habiletés qu’il maîtrise.
S’organiser et
s’autogérer :
L’enseignant
n’est plus le seul organisateur. Nul groupe ne peut se passer d’établir des
normes, des lois, des règles de vie. C’est au « conseil de
classe » que se prennent les décisions.
Comme le maître est le dépositaire de l’autorité que lui a confiée
l’établissement, c’est à lui de déterminer quelle part il délègue au conseil de
classe.
Pour
ce qui est de l’évaluation, des bilans de semaine ou de quinzaine sont
instaurés. Les enfants sont appelés à donner leur point de vue ainsi que le
groupe.