mardi 29 janvier 2013

L'empathie



L’EMPATHIE

L’empathie est un concept nomade au carrefour du développement psychique, de l’imagerie médicale et des théories de l’esprit, migrant d’une discipline à l’autre, de l’éthique à l’esthétique, à la philosophie, à la sociologie, à la psychologie, voire à la théologie lorsqu’elle concerne la compassion.

Son aspect composite, multifactoriel est prouvé par la variété hétérogène des symptômes mettant en cause des zones cérébrales diverses et complexes : il existe en effet des incapacités à ressentir des émotions, à se représenter celles d’autrui tout comme il existe des incapacités à adopter la perspective subjective d’autrui ou à distinguer le soi d’autrui.

 I - Théories et théoriciens de l’empathie :

Le terme empathie a été créé en allemand (Einfühlung, « ressenti de l’intérieur ») par le philosophe Robert Vischer (1847 – 1933) pour désigner l’empathie esthétique, le mode de relation d’un sujet avec une œuvre d’art permettant d’accéder à son sens.

Le mot « empathie » fut par la suite réutilisé en philosophie de l’esprit par Théodor Lipps   ( 1851 – 1914 )pour désigner dans ses écrits, le processus par lequel «  un observateur se projette dans les objets qu’il perçoit ». Par la suite, Lipps introduisit la dimension affective dont héritera notre conception moderne.

Le terme a ensuite était repris par Karl Jaspers (1883 – 1969 Psychiatre et philosophe allemand ) puis par Sigmund Freud. ( 1856 – 1939 )

Au cours du XXè siècle, le concept d’empathie se répand dans les sciences humaines. Cette notion a fait l’objet de nombreuses réflexions en psychiatrie en psychanalyse avec les théories de Heinz Kohut ( 1913 – 1981 Psychanalyste Viennois) et de la part de théoriciens et praticiens de la relation notamment Carl Rogers. ( 1902 – 1987 ).

Dans l’étude des relations interindividuelles, on distingue l’empathie de la sympathie, de la compassion ou de la contagion émotionnelle.

II - Empathie, sympathie, compassion et contagion émotionnelle :

La réponse empathique aux états affectifs d’autrui se produit sans que l’on ressente soi même la même émotion ou même une émotion quelle qu’elle soit.

La sympathie  du grec syn- :« avec » et pathos :«souffrance » consiste aussi à comprendre les émotions d'une autre personne mais elle comporte une dimension affective supplémentaire. Il ne s'agit donc pas là "d'être sympa" avec quelqu'un, mais de s'impliquer en intégrant les émotions de l'autre et en se les appropriant. L'empathie tend vers l'objectivité (sans y prétendre) quand la sympathie est bien plus subjective.
 
Elle est une réponse motivationnelle qui repose sur une proximité affective avec qui en est l’objet et vise à améliorer son bien-être.

Dans la contagion émotionnelle la personne éprouve le même état affectif qu’une autre sans conserver la distance entre soi et autrui.

La compassion  vient du latin, « cum-patire », « souffrir, éprouver avec ».est le sentiment par lequel on est porté à percevoir ou ressentir la souffrance des autres, et poussé à y remédier.  . « Pitié » et « apitoiement »« commisération »« miséricorde » signifient originellement compassion.

Elle ne possède pas cette composante poussant à agir pour améliorer le sort d’autrui mais se résume à une affliction pour les souffrances d’autrui.

Dans l’interprétation de Lauren Wispé « Dans l’empathie le soi est le véhicule pour la compréhension d’autrui, et il ne  perd jamais son identité. La sympathie par contre, vise à la communication plus qu’à l’exactitude et la conscience de soi est réduite plutôt qu’augmentée. »

« L’objet de l’empathie est la compréhension. L’objet de la sympathie est le bien-être de l’autre. En somme, l’empathie est un mode de connaissance ; la sympathie est un mode de rencontre avec autrui. »

Les recherches récentes ont amené à distinguer le concept d’empathie émotionnelle qui désigne la capacité à comprendre les états affectifs d’autrui et le concept d’empathie cognitive, qui consiste à comprendre les états mentaux d’autrui.


Pédagogie



LA PEDAGOGIE

La pédagogie n’est pas un champ (qui rassemblerait les métiers de l’enfance et de l’adulte), elle n’est pas un champ disciplinaire (à côté de la philosophie, de la sociologie ou de la psychologie), elle n’est pas un objet (des pratiques et des compétences à analyser selon des approches disciplinaires ou méthodologiques), la pédagogie n’est pas une qualité un savoir-faire ou un savoir être à savoir-faire ; la pédagogie, n’est pas une position idéologique.

La pédagogie est une démarche spécifique.

Si la pédagogie est l’enveloppement mutuel et dialectique de la théorie et de la pratique éducative par la même personne, sur la même personne, le pédagogue est avant tout un praticien-théoricien de l’action éducative. Il est entre les deux, il est cet entre-deux.

Seul sera considéré comme pédagogue celui qui fera surgir un « plus » dans l’articulation théorie-pratique en éducation.

Le déni de la pédagogie va consister à récuser comme « valable » le savoir issu de cet enveloppement.

La philosophie et la pédagogie :

En aucune façon chez Platon et Rousseau la pratique n’est productrice de théorie. Nous pensons que l’on peut aller jusqu’à dire que la spécificité d’une formation pédagogique, qu’elle soit initiale ou continue, n’est pas de réfléchir à ce que l’on va faire, ni à ce que l’on doit faire, mais plutôt de réfléchir à ce que l’on a fait.

En pédagogie l’expérience est première, même pour un débutant, surtout pour un débutant. Sera donc utile et moteur tout ce qui suscite chez l’apprenti de l’expérience, soit : un savoir-faire qui recouvre au moins trois éléments :

-         premièrement, un savoir du savoir-faire (dans telle situation je m’y suis pris comme cela et ça a donné telle chose)
-         deuxièmement, un savoir pour le savoir-faire (telles expériences faites dans telles circonstances est-elle transposable dans telles autres occasions)
-         troisièmement, un savoir-faire à partir du savoir-faire, savoir qui renvoie à cette réflexion et cette théorisation propres à l’articulation théorie-pratique en pédagogie. L’expérience est donc à la fois un préalable, un moyen et un but en formation initiale.

Les formateurs sont toujours là mais ils sont au service de ce qui surgit par le dispositif expérientiel mis en place.

Quelles sont les caractéristiques d’une formation expérientielle ?

            En premier lieu l’expérience est englobante, c’est un processus qui implique toutes les dimensions de la personne (affectif, rationnel, corporel). La personne en formation va se donner comme « massive » pleine de sa réalité, porteuse d’un vécu, peu distanciée de son monde.

            En deuxième lieu, l’expérience articule continuité et ruptures, capitalisation de l’acquis et épreuve de la nouveauté, destruction du vécu immédiat et réelaboration réflexive, résistances aux prises de conscience et ouverture vers des incertitudes.

            En troisième lieu, la formation expérientielle s’oppose à la formation institutionnelle dans la mesure où celle-ci semble séparer l’apprentissage de l’expérience, une préparation quitte à vouloir ensuite « reprendre » l’expérience dans un nouvel apprentissage.

Triade formateur-stagiaire-réalité, c’est cette dernière qui énonce les termes du problème, non le formateur.

Le pédagogue est travaillé au moins par trois figures : il est à la fois et simultanément praticien, militant et expert.

Tout le monde est d’accord, à vrai dire, sur les idéaux humanistes qui doivent porter l’éducation, qui s’opposerait aux slogans qui fonde la belle littérature des « projets éducatifs », construire l’autonomie de l’enfant, réaliser son épanouissement, le mettre au cœur du système éducatif, faire une éducation intégrale etc.
Ce que l’on oublie de voir le plus souvent, ainsi fonctionne l’idéologie, c’est que la réalité se situe à l’opposé de ces idéaux : avez-vous jamais vu une société qui s’accommode en fait de l’autonomie des individus qui la composent, qui ne fasse pas passer son utilité avant leur épanouissement, qui ne place pas l’Etat au centre et qui ne s’emploie pas, à travers le système éducatif, à mutiler la personne pour mieux s’en servir.

Ce positionnement d’objectivité permet de se protéger d’un intentionnalisme subjectif qui est la plaie de la pédagogie. (le pédagogisme)
La tentation est grande pour le formateur d’organiser d’entrée son action dans le sens qu’il souhaite, sans vérifier si la réalité humaine s’y prête réellement.

Mais je ne saurai jamais si cette évolution positive est due à l’explicitation elle-même, ou bien à la bonne disposition du sujet, ou encore à ma force de conviction : l’effet est-il réel ou n’est-il qu’apparent ?

Si je veux garder la maîtrise du mouvement, il importe que je ne me laisse pas emporter par la générosité de l’intention de formation, qui n’est peut-être qu’un égocentrisme intellectuel déguisé en service de l’autre.

Perfectibilité et liberté sont deux ressorts distincts de la nature humaine.

… l’action pédagogique va se jouer prioritairement dans l’élaboration et la mise en œuvre de moyens mis à la disposition de l’autre afin qu’il mette en œuvre sa liberté

A travers ces moyens pédagogiques on vise un résultat visible et palpable, lire, écrire, se tenir bien. Ces finalités, travaillant dans le sens de la perfectibilité humaine, correspondant à autant de besoins liés à la vie en société et gérés par le système éducatif.
Mais toutes ces finalités établies, même socialement confirmées, ne disent encore rien de la « fin » que le pédagogue est appelé à viser à travers elles, et qui s’identifie au désir d’autonomie qui porte la nature humaine. Ces finalités sont là pour que chacun se fasse une œuvre de soi-même.

Tout va alors se jouer dans la façon dont le pédagogue va manipuler ces moyens pédagogiques : en profitera t-il pour enfermer l’enfant dans sa nature ? ou bien agira t-il, vis à vis de ces moyens, de telle sorte que l’éducable en fasse un instrument de sa propre libération ?

Ainsi devrait pouvoir se lier, dans l’action pédagogique menée autour des moyens qu’il se donne, les trois démarches que nous avons mises en tension à travers tout ce texte :

-         le démarche de l’expert en sciences humaines, attentif à la marche de la nature humaine et aux lois qui le gouvernent.

-         la démarche du penseur-philosophe qui ne détourne pas son regard de la fin vers laquelle tend cette même nature humaine et qui n’est pas de l’ordre des moyens techniques mis en œuvre.

-         La démarche du praticien qui pilote ce double mouvement dans la particularité des cas, au milieu des aléas de l’expérience et des situations diversement vécues.

L’enfermement dans l’une ou l’autre, au mépris des deux autres conduirait à faire du pédagogue ce que Pestalozzi appelait une « bête de tête » ou une « bête de cœur » ou une « bête de main ». L’homme se fait homme au point de rencontre de ces trois dimensions.

et oblige à se donner une philosophie de la personne apprenante qui ne traite pas les savoirs comme des choses, et une philosophie des savoirs à apprendre qui ne traite pas la personne comme une chose.


« Manifeste pour les pédagogues », Jean Houssaye, Michel Soëtard, Daniel Hameline, Michel Fabre, Collection Pratiques et enjeux pédagogiques, Edition ESF, 2002

mardi 22 janvier 2013

la communication non violente

« Les mots sont des fenêtres (ou bien des murs)
Introduction à la communication non violente (CNV)
Marshall B.Rosenberg, Ed La découverte, Paris, 2002, 2005

Il s’agit d’un langage qui traduit nos convictions profondes d’individu. A l’opposé, le langage qui juge est le résultat d’un conditionnement, il n’est pas naturel. La thèse de Rosenberg, suivant en cela des prédécesseurs comme C.Rogers ou Paulo Freire consiste à montrer que ce langage est à la fois celui de la domination et celui de la soumission. Ce n’est pas le langage de la liberté et de l’égalité.

« Toute violence émane d’un mode de pensée, explique l’auteur, qui attribue la cause du conflit aux torts de l’adversaire et de l’incapacité de reconnaître sa propre vulnérabilité ou celle de l’autre. »

Comment se fait-il que nous puissions nous couper de notre bonté naturelle au point d’adopter des comportements violents et agressifs ?

La CNV nous engage à reconsidérer la façon dont nous nous exprimons et dont nous entendons l’autre. Les mots ne sont plus que des réactions routinières et automatiques, mais deviennent des réponses réfléchies, émanant d’une prise de conscience de nos perceptions, de nos émotions et de nos désirs.

Quatre points constituent la démarche non violente :

-         Qu’est-ce qui dans les paroles ou les actes d’autrui, contribue ou non à notre bien-être ? L’important est de parvenir à énoncer ces observations sans y mêler de jugement ou d’évaluation, dire ce que nous apprécions et n’apprécions pas.

-         Puis nous disons ce que nous ressentons en présence de ces faits : sommes nous triste, joyeux, inquiets, fâché… ?

-         En troisième lieu, nous précisons les besoins qui sont à l’origine de ces sentiments.

-         En quatrième lieu nous formulons une demande précise et concrète.

Certaines façons de communiquer nous coupent de notre bienveillance naturelle. Il s’agit de « communication qui coupe de la vie » ou de « communication aliénante ».

Les jugements moralisateurs :

Notamment lorsque les actes ne correspondent pas à nos valeurs : « tu es tellement égoïste, paresseux…. »
Les reproches, insultes, dénigrements, étiquetages, comparaisons et diagnostics sont autant de jugements portés.

La communication aliénante nous enferme dans un monde où tout est polarisé entre le bien et le mal dans un mode de jugements. L’attention se porte sur la classification, l’analyse et l’évaluation des torts de l’autre, au lieu de se concentrer sur ses besoins et les nôtres propres qui ne sont pas satisfaits.

Faire des comparaisons :

C’est une manière d’entraver la bienveillance envers soi-même comme envers les autres.

Refus de la responsabilité :

C’est un mode de communication qui empêche l’individu de prendre pleinement conscience qu’il est responsable de ses pensées, de ses sentiments et de ses actes. « Il faut que…Tu me culpabilises…Je dois….. »
Il y a ici une prédominance de l’autorité extérieure pour trouver la définition de ce qui est bien ou mal, bon ou mauvais.

Autres formes :

Notamment lorsque nous transformons nos désirs en exigences.

OBSERVER SANS EVALUER

Les évaluations sur des observations correspondent à un moment donné et à un contexte particulier, mais nous nous compliquons la vie en utilisant un langage figé pour exprimer ou saisir la réalité qui est par essence mouvante.

IDENTIFIER ET EXPRIMER LES SENTIMENTS

Distinguer les sentiments des interprétations mentales :

Souvent il y a de la confusion dans l’emploi du verbe « sentir » où nous exprimons plutôt nos pensées que nos sentiments.

ASSUMER LA RESPONSABILITE DE SES SENTIMENTS

Les actes d’autrui peuvent être facteur déclenchant mais jamais la cause de nos sentiments.

Lorsque que quelqu’un nous adresse un message négatif formulé verbalement ou non, nous pouvons l’accueillir de quatre manières :

-         Se sentir fautif. Cette option nous fait baisser dans notre propre estime de soi en favorisant des sentiments de culpabilité, de honte et de dépression.

-         Rejeter la faute sur l’autre

-         Porter notre attention sur nos propres sentiments et besoins.

-         Diriger notre attention sur les ressentis et besoins de l’autre.

DEMANDER CE QUI CONTRIBUERAIT A NOTRE BIEN ETRE

Formuler nos demandes en langage d’action positif.
Notre interlocuteur peut ne pas comprendre ce que nous voulons de lui lorsque nous exprimons uniquement nos sentiments.
Nous ne sommes souvent pas conscient de nos demandes.
Les demandes qui ne sont pas accompagnées des sentiments et des besoins de celui qui parle peuvent être entendues comme des exigences.
Plus nous sommes clair avec ce que nous voulons en retour plus nous avons de chances de l’obtenir.

Demander un retour :

Pour nous assurer que le message que nous avons émis est bien celui qui a été reçu, demander à notre interlocuteur de nous le restituer.

Remercier notre interlocuteur lorsqu’il s’efforce de restituer notre message.

Demandes et exigences :

Lorsque notre interlocuteur entend une exigence, il ne voit que deux possibilité : la soumission ou le révolte.

Plus un individu a été critiqué, puni ou culpabilisé pour ne pas s’être plié à la volonté d’autrui, plus il risque d’en porter les traces dans toutes ses relations et d’entendre une exigence dans la moindre demande.

Les trois composantes d’un remerciement :

1-     Les actes concrets qui ont contribués à notre bien-être,
2-     Les besoins que ces actes ont satisfaits chez nous,
3-     Le sentiment de plaisir né de la satisfaction de ces besoins.